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ссылка на сообщение  Отправлено: 17.11.08 14:53. Заголовок: Фрагменты работ французских историков. (продолжение)


Фрагменты работ французских историков. (на фр. яз.)

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Louis Batiffol_Richelieu et le roi Louis XIII, Paris 1934



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ссылка на сообщение  Отправлено: 17.11.08 16:01. Заголовок: Richelieu conclut : ..


Richelieu conclut : il faut rejeter ce traite et donner l'ordre aux generaux en Italie de continuer leurs operations. Marillac prend la parole pour defendre le traite : c'est une occasion, dit-il, de finir la guerre : il faut la “ tenir avec les dents ”. Mais la majorite du conseil decide de suivre l'avis de Richelieu. On desa-vouera donc ce qui s'est fait a Ratisbonne.
Pendant ce temps Louis XIII poursuit son retour a Paris. Le medecin Bouvard envoie regulierement a Richelieu des nouvelles du prince. Le Roi va de mieux en mieux. Ses forces reviennent : il marche, il est gai, chante! Le 25 octobre Louis XIII ecrit a sa mere de Briare : '< Madame, )e vous ecris ce mot de ma main pour vous faire voir que ]e ne suis plus malade et que je me porte aussi bien que ]e fis jamais, grace a Dieu, et suis extremement fort! J'espere arriver mardi a Versailles. J'ecris quelques affaires a mon cousin le cardinal de Richelieu lesquelles il vous dira. ” Ainsi il entend mar-quer la confiance qu'il continue a garder dans son ministre. Le 29 il ecrit a Richelieu une lettre qu'il termine ainsi :
“ Je vous assure de mon affection qui sera toujours telle que vous la pouvez desirer. ” Le 29 il est a Versailles, faisant la derniere lieue a cheval et “ galopant aussi ver-tement que s'il n'eut point este malade ”, lit-on dans le Journal d'Arnaud d'Andilly. Quelques jours auparavant II sortait de Lyon sur un brancard!
Richelieu le suit a distance. Il est le 28 octobre a Digoin, le 30 a Nevers. Sur la Loire et le canal de Briare, il accompagne Marie de Medicis, embarque avec elle dans son bateau, des troupes escortant sur les deux rives. Contraste et comedie! Marie de Medicis se montre . maintenant aimable a son egard, empressee : “ Jamais, dit Guron, elle ne lui fit meilleure chere : jamais il n'en recut plus d'honneur, ” Des qu'elle est debarquee, elle prie Richelieu de monter dans son carrosse et Bassom-pierre releve “ la privaute avec laquelle elle le traite ” :
tout le monde en est etonne! Mais c'est, dit Fontenay-Mareuil, parce qu'elle veut mieux dissimuler ses desseins. Le cardinal parait meme s'y meprendre. Il ne sait pas qu'a la Charite elle a ecrit au Roi pour renouveler vio-lemment la demande de sa disgrace.
Le 5 novembre Richelieu est a Fontainebleau. Marie de Medicis gagne Paris et s'arrete aux Carmelites du faubourg Saint-Jacques ou elle a une longue conference avec le garde des sceaux Marillac. Le sujet de leur entretien est le moyen a trouver pour obtenir le depart de Richelieu. Le cardinal, lui, est alle a Saint-Germain-en-Laye attendre le Roi qui, ne pouvant habiter le Louvre, ou l'on construit la voute de la salle des cariatides afin de remplacer le parquet de la grande salle des gardes du dessus qui menace ruine, est alle loger a Versailles. Des Carmelites, Marie de Medicis se renJ a son hotel du Luxembourg ou elle s'installe. Le bruit court de la chute prochaine de Richelieu. Richelieu est prevenu par le prince de Conde qu'on travaille a soulever tout le monde contre lui. A Versailles, Louis XIII qui, d'apres une lettre de Bouvard du 2 novembre au cardinal, parait aller tou-jours mieux, chasse, “ n'ayant, dit le medecin, autre passe-temps, apres sa musk,ue ” et ne parait etre occupe que de reconcilier son frere avec son ministre.
Mais, comme l'ecrit le 4 novembre le Pere Joseph, <• Richelieu est dans “ une inquietude et des chagrins ” extremes! Le Roi lui a demande en quels termes il se croyait avec la Reine sa mere : “ Assez bien ”, a repondu Richelieu se fiant au bon visage que lui a fait la princesse durant le voyage. “ Detrompez-vous, a repondu le Roi : il n'y a rien de change ! ” D'apres les avis que le cardinal recoit de tous cotes, en effet, il comprend que l'hostilite de Marie de Medicis contre lui est decidement irreduc-tible! Chaque jour lui apporte quelque indication nou-velle que Richelieu a consignee dans une note et qui, a mesure, le convainc qu'il va subir un supreme assaut !
Le 9 novembre, n'y tenant plus, il se decide a aller voir le Roi et a s'en expliquer avec lui. Mais le Roi lui fait dire d'attendre un ordre de sa part : c'est une fin de non recevoir, du moins ainsi le prend le cardinal qui en est alarme! Son trouble s'accroit lorsqu'il apprend que Louis XIII a gagne Paris et qu'il est alle loger a l'hotel des Ambassadeurs, rue de Tournon; c'est-a-dire a deux pas du Luxembourg ou se trouve sa mere. Le cardinal rentre a Paris, va descendre chez lui, au Petit Luxembourg, d'ou il tente de se presenter a Marie de Medicis qui le recoit '< avec un mauvais visage ”, ecrit Lepre-Balain. Autour de la princesse se trouvent nombre de personnes de sa maison ou de la cour qui paraissent, a ce qu'il semble a Richelieu, avoir des “ contenances extraordinaires contre lui ! ” Le cardinal rentre au Petit Luxembourg tres agite. Il pense que la Reine ne cedera jamais, que ses coleres inexplicables se repeteront sans fin, qu'il sera a la merci d'ombrages et de soupcons perpetuellement renouveles : mieux vaut s'en aller et abandonner le pouvoir! Les cir-constances vont precipiter les evenements!
Le dimanche 10 novembre vers onze heures du matin, Louis XIII, avant de retourner a Versailles, se rend au Luxembourg afin de dire adieu a sa mere. Des qu'il a penetre dans le cabinet ou la Reine l'attend. Marie de Medicis ordonne a l'huissier de ne plus laisser entrer personne et de fermer toutes les portes a clef. Alors avec vehemence elle rappelle au Roi, raconte Arnaud d'An-diiiy, qu'elle lui a deja fait connaitre a Lyon qu'il ne lui etait plus possible de supporter le cardinal. Le Roi l'a priee d'attendre son retour a Paris. Il n'y a plus maintenant de raison de retarder une mesure “ dont elle a pris pour promesse la priere de retardement ”. Elle ne peut davan-tage endurer la presence du cardinal. Il faut qu'il s'en aille, et, mettant a son fils le marche a la main, elle lui declare avec emportement qu'il doit choisir entre elle et lui, &e defaire de l'un ou de l'autre! Louis XIII enerve repond qu'il desire qu'elle ait quelque patience, qu'elle attende! Tout a coup, une porte s'ouvre et Richelieu apparait!...
Il a ete prevenu que le Roi se trouvait en conference avec sa mere seule. Il comprend que son sort se decide et, entraine par sa nature ardente, ne pouvant supporter l'idee de laisser decider de son sort sans se defendre, il gagne le Luxembourg. La on lui dit que toutes les portes interieures sont fermees. Connaissant les aitres comme surintendant de la maison de la Reine, il passe outre. L'appartement de Marie de Medicis est au premier etage a droite en venant de la rue de Vaugirard. Il y a^ a l'extre-mite ouest, une chapelle et l'escalier par ou on accede chez la Reine est dans l'aile droite sur la cour. Ayant monte cet escalier, parvenu a une antichambre, Richelieu trouve en efiet la porte donnant dans la chambre de Marie de Medicis fermee, ainsi que la porte du cabinet de la Reine ou il accede par une galerie. Mais de la, il va jusqu'a la chapelle qui est ouverte et il sait que de la chapelle une issue donne sur un degagement obscur par ou on peut parvenir au cabinet de la princesse. Le hasard veui qu'on ait oublie ici de fermer a clef l'acces du cabinet de la Reine. C'est par cette porte qu'il penetre et se trouve soudain en presence du Roi et de sa mere!
Il y a un moment de stupeur! Cette irruption, sans se faire annoncer, malgre les ordres donnes, devant les souverains en conversation confidentielle, a on ne sait quel air d'insolence et de provocation! Marie de Medicis eclate! Sous l'empire de la colere et comme l'a ecrit plus tard madame de Motteville, “ avec la grande sensi-bilite qu'accompagnent les grandes offenses et les plus grandes haines, ” elle donne libre cours a sa fureur! Elle dit a Richelieu qu'il est inoui de venir ainsi les interrompre; qu'il n'est qu'un perfide, un ingrat, un fourbe! Apres tout ce qu'elle a fait pour lui, apres lui avoir donne plus d'un million d'or, il se conduit a son egard d'une facon honteuse! Tout le monde sait ce qu'il veut : enlever la couronne au Roi, marier sa niece de Combalet a Gaston d'Orleans ou plutot au comte de Soissons et mettre ce dernier sur le trone, en faisant declarer Louis XIII et son frere batards! Mais, ajoute-t-elle, c'est fini! Elle ne veut plus avoir dans sa maison ni lui, ni personne de sa famille ou de ses amis : elle les chasse tous, tous, “ Jusqu'au moindre de ses officiers donnes de sa main ” et elle ne paraitra plus au conseil du Roi tant qu'elle saura devoir l'y rencontrer!...
Les paitisans de Marie de Medicis ont toujours sou-tenu que la Reine n'a notifie a Louis XIII, a ce moment, que le renvoi de Richelieu et de ses parents ou amis de sa propre maison, sans exiger sa destitution du gouver-nement. Elle le fera repeter plus tard avec insistance. En fait, on voit que son refus de reparaitre au conseil aboutissait indirectement au resultat nie et, a la fin, elle avouera avoir bien reclame l'eloignement du cardinal.
Pendant toute cette scene, Richelieu est demeure atterre, “ le c?ur, comme il l'a ecrit dans le recit qu'il en a laisse, perce d'une extreme douleur! ” Au fond, avoue-t-il, il n'eprouve ni remords, ni honte, sur d'avoir toujours agi avec loyaute! Mais il est profondement malheureux de voir la personne a qui il doit tant, qui l'a aide, comble de biens, qui lui a temoigne une bienveil-lance, une affection constantes, aussi entierement retournee contre lui et pour des raisons a ce point vaines et incon-sistantes. Il en est dechire! Il tombe a genoux, pleurant : le fait de ses larmes nous est atteste par Marie de Medicis qui l'a dit a Mathieu de Mourgues, par Louis XIII qui en a fait ensuite confidence a Bonneuil, introducteur des ambassadeurs, et par Richelieu lui-meme qui l'avoue. Il dit a Marie de Medicis qu'il la supplie de lui par-donner s'il l'a offensee : c'est sans le vouloir; jamais il n'a eu l'intention de la blesser! Il offre d'accepter l'humi-liation de reconnaitre publiquement des fautes, qu'il n'a pas commises afin de justifier le pardon qu'il sollicite et de “ couvrir l'honneur ” de la Reine. Non ! fait violemment Marie de Medicis. Richelieu ecrira dans son recit : “ Y eut-il jamais durete semblable a celle avec laquelle elle refusa cette offre en presence du Roi? ” Le cardinal reprend qu'il a au plus haut point le sentiment de la gra-titude qu'il lui doit : il lui propose de se soumettre d'avance a tout ce qu'elle exigera comme satisfaction des fautes qu'elle lui reproche et humblement il subira ce qu'elle commandera! Hors d'elle, obstinee, Marie de Medicis avec colere refuse!
Alors Louis XIII intervient. Des le debut de la scene, lorsque sa mere est partie dans cette explosion d'injures, extremement froisse que devant lui on se permit — fut-ce sa mere — de pareils exces, car le protocole royal en ce temps interdit tout ecart de ce genre devant la majeste souveraine, il s'est efforce de l'arreter : “ Mais madame, mais madame, lui a-t-il dit, que faites-vous? Que dites-vous ? Vous me desobligez, vous me torturez ! ” Emportee par sa colere, Marie de Medicis n'a pas ecoute, et a couvert la voix du Roi. Quand Richelieu prenant la parole a offert d'accepter toutes les soumissions qu'on lui imposerait, Louis XIII a essaye d'appuyer cette propo-sition. Elle a fait taire son fils en lui criant “ qu'il preferait donc un valet a sa mere? ” Alors le Roi estime qu'il est temps de mettre un terme a cette scene. D'un ton sec, il commande a Richelieu, toujours a genoux, de se relever et de se retirer. Puis il dit a sa mere que l'heure avance, qu'il doit partir pour Versailles : il esquisse une froide reverence et s'en va rapidement comme s'il craignait d'etre retenu ou d'en entendre davantage. Richelieu l'attend dans la cour. Louis XIII monte dans son carrosse, la figure contractee, sans regarder personne, ordonne au carrossiel d'enlever ses chevaux. Il n'a pas meme jete un regard sur Richelieu qui, dans l'etat ou il est, prend cette indifference pour un signe de disgrace. Il s'estime perdu et rentre au Petit Luxembourg desespere!...
Le bruit se repand dans Paris qu'il se passe au Luxem-bourg des evenements graves. De toutes parts les courtisans accourent. Marillac est deja venu des onze heures. Ltait-11 averti de ce qui allait arriver? Ses defenseurs le nient. Les amis de Richelieu l'affirment. Ils disent que les jours precedents, le garde des sceaux a donne des preuves de la certitude qu'il avait d'etre a la veille de devenir le maitre du gouvernement; donnant des ins-tructions, des rendez-vous .dans ce sens. Le matin du 10, Richelieu l'a fait prier de venir le voir et Marillac a repondu qu'il prenait medecine et ne pouvait pas venir. Or la premiere personne qu'a trouvee le cardinal en arrivant au Luxembourg est precisement le garde des sceaux. “ He! monsieur, lui a-t-il dit, vous voila? Et vous disiez que vous etiez malade ? ” Marillac n'a pas repondu et Richelieu n'a pas insiste. Apres la scene entre Marie de Medicis et le cardinal, Mariliac a ete vu dans une antichambre abordant le secretaire d'Etat Bulllon et lui disant : “ Qu'est ceci? Il y a quelque chose? Dites-moi ce que c'est! ” Peu apres on est venu le chercher de la part de la Reine mere. Personne ne sait ce qui s'est dit entre lui et Marie de Medicis. La Reine a fait ensuite ouvrir les portes de ses cabinets et le flot des courtisans est entre venant chercher des nouvelles. A tous elle dit que les fers sont au feu : elle ou le cardinal quittera la cour! Elle laisse entendre “ que le garde des sceaux Marillac maniera toutes les affaires de l'Etat ”, preuve de l'assurance qu'elle a du resultat favorable des evenements. Elle a annonce aussi qu'elle chasse de sa maison Richelieu, ses parents, ses amis : elle ne veut plus personne pres d'elle qui lui rappelle cet homme !
Il n'en faut pas davantage pour orienter l'opinion! Ainsi le cardinal est disgracie, renverse, chasse! Une effervescence generale saisit toute la cour. Les ennemis de Richelieu s'empressent de venir feliciter la Reine, de congratuler ceux qu'ils croient devoir devenir les maitres de demain. Entrainee par ce mouvement, Marie de Medicis s'imagine etre victorieuse. L'idee lui vient un instant d'aller a Versailles s'assurer des sentiments du Roi, mais elle y renonce et toute l'apres-midi ce sera un va-et-vient incessant chez elle, au Luxembourg, de gens Joyeux du triomphe, quelques-uns lui offrant meme leur epee au cas ou le cardinal resisterait. Nul n'est plus entoure que Michel de Marillac, un peu embarrasse de sa personne, mais faisant bonne contenance et paraissant satisfait.
Pendant ce temps, au Petit Luxembourg, une scene de tout autre genre se passe. Devant l'eclat que lui a fait la Reine, Richelieu ne doute pas un seul instant que sa dis-grace ne soit consommee ! L'attitude du Roi a son egard, acheve de le convaincre. Mais il y a pire a redouter, juge-t-il, l'arrestation, Vmcennes, la Bastille et les suites ! Il n'hesite pas : il faut fuir! Il a deux places a l'abri des-quelles il peut se mettre et qui sont a lui : Brouage, le Havre : il choisit le Havre, d'ou il aura moyen de s'embar-quer et de gagner le large. Il annonce sa determination a sa niece, madame de Combalet, et a Bouthillier qui sont la, consternes! Il va partir tout de suite pour Pontoise qui sera sa premiere etape. Il commande son carrosse, son equipage, dit qu'on le fasse diner : le repas termine il se mettra en route. La-dessus arrive son ami, le cardinal de La Valette, qui, informe de la crise, accourt en demander a Richelieu les details. Apprenant que Riche-lieu s'en va au Havre, il se recrie : Mais que fait-il? Ou va-t-il? C'est folie! Il ignore les veritables sentiments du Roi et il abandonne la partie sans savoir ce qu'il en est? Ses ennemis vont triompher! Non! Il faut qu'il aille a Versailles trouver le Roi. Si le Roi est dans les sentiments que Richelieu suppose, le cardinal se defendra, rendra compte de ses actions, plaidera. Si au contraire le Roi, ce dont La Valette est convaincu, est reste favorable, la venue de Richelieu le maintiendra et fortifiera dans ses dispositions. Ainsi, comme dit Tallemant des Reaux racontant la scene, La Valette a cherche a “ remettre du c?ur au ventre >> a Richelieu! D'autres personnes entrees, amies du cardinal, Chateauneuf, le president Nicolas Le Jay, appuient l'opinion de La Valette, pressent, insistent. Richelieu hesite, ne sait que resoudre, lorsque brusquement on vient le prevenir que le Roi le demande a Versailles!...
Louis XIII a pres de lui a ce moment comme ami et confident un jeune homme de vingt-trois ans, M. de Saint-Simon, pere de l'auteur des Memoires. Il l'a nomme son premier ecuyer. L'historien Vittorio Siri rapporte ce qui va suivre comme le tenant de ce Saint-Simon et, d'autre part, le fils, auteur des Memoires, nous donne un recit qu'il dit tenir de son pere. Le texte de Siri inspire quelques inquietudes parce qu'il contient des exagera-tions manifestes et des -erreurs. Mais celui de l'auteur des Memoires est encore plus sujet a caution car cet auteur avait dix-s liste que la trop merveilleuse imagination du pere. Le duc de Saint-Simon a suivi et amplifie V. Siri. Voici ce que des deux recits on peut retenir.
En quittant le Luxembourg, Louis XIII est i entre a l'hotel de la rue de Tournon. Il se jette sur un lit, defen-dant de laisser entrer personne. Il etouffe, en proie a une emotion, une colere et une humiliation intenses! D'apres madame de Motteville, ce qui le choque le plus est le mepris qu'a manifeste sa mere a l'egard de son intervention et de son autorite. Mais sa volonte ne flechit pas. Il ne veut pas ceder! Il dit a Saint-Simon pre-sent qu'il va partir pour Versailles et qu'il faut tout de suite aller prevenir le cardinal de Richelieu de venir l'y rejoindre. Saint-Simon se rend au Petit Luxembourg ou on lui dit que Richelieu est avec le cardinal de La Valette. Il demande celui-ci et lui fait connaitre l'ordre du Roi. La Valette le communique a Richelieu puis revient avec Saint-Simon a l'hotel de la rue de Tournon et on l'intro-duit aupies de Louis XIII qui a repris un peu son calme. “ Eh bien, fait le Roi, en voyant La Valette, je crois que vous avez ete surpris? - Oui, Sire, et plus que Votre Majeste ne saurait l'imaginer! - M. le cardinal a un bon maitre! Allez! et dites-lui que, sans delai, il vienne a Versailles ! ” Sur quoi, Louis XIII monte en carrosse. part pour Versailles. Peu apres Richelieu obtemperant aux ordres du Roi, monte egalement en voiture et gagne la residence royale.
Le Versailles de 1630 est une petite demeure modeste batie sur l'emplacement actuel du fond de la cour de marbre, avec une facade de la dimension exacte du mur du fond de cette cour et une profondeur de batiment de six metres ; deux petites ailes viennent en retour. Le tout a ete demoli en 1632 pour faire place aux constructions actuelles, brique et pierre, de la cour de marbre, ?uvre - avec des remaniements posterieurs - de l'architecte Philbert Le Roy. D'apres un inventaire du mobilier du chateau dresse en 1630, il y a quatre pieces au premier etage : antichambre, cabinet du Roi, chambre a coucher, garde-robe : le cabinet est a l'angle nord : au-dessous sont des pieces pour quelques personnages tels que le comte de Soissons.
Arrive a Versailles, Richelieu, qu'accompagne La Valette, est introduit au premier dans le cabinet ou le Roi l'attend entoure de Saint-Simon, du marquis de Moi-temart, premier gentilhomme de la chambre, et de M. de Beringhen, premier valet de chambre. Le cardinal se jette a genoux aux pieds du prince, le remercie profon-dement de sa bienveillance, lui exprime sa gratitude passionnee. Louis XIII le releve affectueusement, lui dit que, sachant avoir en lui un serviteur capable, devoue et fidele, il juge de son devoir de le proteger. Il sait de quel respect et de quelle gratitude il a toujours fait preuve a l'egard de la Reine sa mere : s'il en avait ete autrement, d'ailleurs, il l'aurait abandonne. Il doit aujourd'hui le defendre contre des malveillants qui, de facon diabolique, ont monte contre lui une cabale indigne, en abusant de la bonte de la Reine sa mere livree a leurs machinations. Il entend que le cardinal continue a le servir. Il le gardera en depit de tous ceux qui sont acharnes a sa ruine et le defendra. Richelieu se met de nouveau a genoux les yeux pleins de larmes. Le Roi le releve encore, lui dit de rester au chateau ou on lui donnera la chambre du comte de Soissons, au-dessous de la sienne ; puis, congediant tout le monde, il demeure seul avec son ministre. Nous savons par les confidences que Richelieu a faites ensuite a ses deux collaborateurs Guron et Sirmond ce qui va suivre.
Richelieu prenant la parole renouvelle au Roi l'expres-sion de sa reconnaissance infinie pour la bonte qu'il veut bien lui temoigner. II en est profondement emu. Mais il a murement reflechi, et il J'uge prefeiable de se retirer! La Reine mere est irreconciliable! Les difficultes qu'elle provoquera renaitront chaque Jour, rendant la vie insup-portable a tous par son hostilite perpetuelle. On conti-nuera a lui reprocher a lui-meme son mgiatitude; il lui sera impossible de garder l'autorite qui est indispensable au pouvoir; les affaires n'iront pas; on dira qu'il ne sait pas les conduire, qu'il ne pense qu'a intriguer contre la Reine. Si des mesures fermes sont prises, on l'accusera de tyrannie, de violence, ce qui paralysera ses efforts! Il honore infiniment la Reine; il n'a Jamais eu l'intention de la froisser; mais plutot que d'etre la cause de conti-nuelles mauvaises intelligences entre le Roi et elle, il vaut mieux qu'il s'en aille : il ira avec patience subir son infortune dans la solitude paisible de sa maison de Riche-lieu.
Louis XIII a ecoute avec attention. II repond que, dans son propre interet meme de souverain et dans l'interet de l'Etat, il ne peut acceder a ce que le cardinal lui demande. L'abandonner comme celui-ci le prie de le faire, c'est trahir son autorite, car il ne pourra plus trouver a l'avenir de serviteurs si l'on voit qu'il fait preuve a leur egard de tant de faiblesse. Nombre de rois ses predeces-seurs se sont mal trouves d'avoir sacrifie de bons ministres : il ne les imitera pas. Si la Reine sa mere etait capable de l'aider a gouverner le royaume par de sages conseils il serait heureux de se servir d'elle : elle ne le peut pas. II est donc libre de prendre qui bon lui semble. Mais de meme qu'en abandonnant le cardinal qui le sert bien, il commettrait une defaillance, de meme le cardinal ferait preuve de peu de courage et serait coupable d'une action “veritablement basse ”s'il persistait a vouloir quitter un maitre pret a le proteger contre ses ennemis et qui juge ses services necessaires. Richelieu essaie d'insister, parle des succes que pourrait obtenir celui qui prendrait sa place. “ Non! repond Louis XIII. Je vous commande absolument de rester parce que telle est ma decision irrevocable ! - Mais, Sire, de quels yeux le monde verra-t-il Votre Majeste 'me garder avec le reproche public d'etre ingrat a l'egard de la Reine? - II ne s'agit pas de la Reine, mais de la cabale et des monopoles de tel et tel qui ont provoque cette tempete! Je m'en prendrai a eux! ” II ajoute qu'il respecte sa mere; mais “ qu'il est plus oblige a son Etat "; il n'entend pas abandonner ceux qu'il aime pour plaire a ceux qui ne l'aiment pas et il conclut fermement, d'un ton de maitre, que sa volonte est que Richelieu reste aux affaires ! Sur ce, il embrasse le cardinal : Richelieu n'a qu'a s'incliner. Le lendemain il ecrira au Roi : “ II m'est impossible de ne pas temoigner a Votre Majeste l'extreme satisfaction que ]e recus hier. Les singuliers temoignages qu'il vous plut de me rendre de votre bienveillance m'ont perce le c?ur! Je m'en sens si extraordmairement oblige que )'e ne saurais l'exprimer... Je n'aurai jamais de contentement qu'en faisant connaitre de plus en plus a Votre Majeste que je suis la plus fidele creature, le plus passionne su]et et le plus zele serviteur que jamais roi et maitre ait eu au monde ! ” Et quelques jours apres il dira a l'ambassadeur venitien : “ J'ai fait mille instances au Roi pour pouvoir me retirer; mais Sa Majeste, a la fin, avec larmes, et en m'embrassant, n'a pas voulu me le permettre. ”
Louis XIII a dit : “ II ne s'agit pas de la Reine mais de la cabale et des monopoles de tel ou tel qui ont pro-voque cette tempete : ]e m'en prendrai a eux! ” Seance tenante, il va executer sa menace. C'est lui, de son initia-tive personnelle, qui va decider toutes les sanctions1 “ Les resolutions que prit le Roi sur-le-champ, declaie un des collaborateurs de Richelieu, ne vinrent que de lui seul! ” Et Richelieu a ecrit dans sa Succincte narration, le Roi a agi '< de son propre mouvement ”, sans le conseil de personne.
Louis XIII fait rappeler sa suite dans son cabinet, ordonne qu'on aille chercher a Paris les ministres et secretaires d'Etat. En ce qui concerne Michel de Marillac qu'il tient pour l'auteur de tout ce qui vient de se passer, il lui fait commander de se rendre sans delai a Glatigny, hameau situe a moins d'une demi-lieue du chateau de Versailles. Marillac apprenant qu'il est mande par le Roi est convaincu qu'il s'agit de lui donner la place de Riche-lieu. Tout le monde le felicite avec ]oie. Il part pour Glatigny.
Le soir tard dans la nuit, les ministres arrives, mais le garde des sceaux devant rester ou le souverain lui a ordonne de se rendre, Louis XIII assemble son conseil. Prenant la parole il dit que les mesures auxquelles il se resout sont telles qu'il ne peut pas en envisager d'autres.
Depuis plus d'un an, continue-t-il, on forme autour de lui des cabales insupportables qui troublent les affaires. Grace a ces cabales, l'expedition d'Italie a manque echouer. A Lyon des incidents intolerables se sont pro-duits. Il met en cause Marillac. Il declare qu'il ne peut plus souffrir la presence du garde des sceaux. Par egard pour son age, ses services, la .respectabilite de sa vie, il ne veut pas aller avec lui aux dernieres extremites, mais il lui enleve sa charge et va l'exiler a un endroit “ d'ou il ne sortira plus ! ” Tout de suite il met en discussion le choix du successeur a lui donner et, apres deliberation, M. Charles de Laubespine, sieur de Chateauneuf est designe. Par la meme occasion, on nomme Nicolas Le Jay premier president du Parlement de Paris, tous deux amis de Richelieu. A ce moment se presente une difficulte. Le , frere du garde des sceaux, le marechal Louis de Marillac, trouve a l'armee d'Italie qui marche sur Casai. Par Suite de circonstances diverses, deux des generaux qui commandent avec lui doivent s'absenter et il va se trouver S^ut a la tete des troupes. C'est un homme rude, prompt, d'un jugement peu sur. S'il apprend la disgrace de son frere, il est capable d'un coup de tete dangereux, d'arreter les operations, de ramener l'armee, peut-etre de tenter ^aae rebellion ! Il est gouverneur de Verdun ou son neveu Btscarras qui commande les troupes peut les soulever. Le plus sur est d'envoyer d'urgence un courrier a l'armee ^'Italie susceptible d'arriver a toute bride avant que la 'nouvelle des evenements qui se produisent a la cour ne soit parvenue au dela des Alpes, de commander aux deux autres generaux, qui sont encore la-bas, de s'assurer de la personne du marechal, preventivement, sans donner de raison, simplement parce que c'est la volonte du Roi, puis de le faire rentrer immediatement en France sous bonne escorte. On verra apres ce qu'on fera de Marillac. Louis XIII conclut, la nuit avancant, de s'en tenir la pour le moment. Richelieu n'a presque rien dit.
Le conseil leve, le Roi donne ses instructions au secretaire d'Etat la Ville-aux-Clercs, qu'il charge d'aller reclamer les sceaux a Marillac et Bouthillier redige les depeches a expedier a l'armee d'Italie.
Michel de Marillac est arrive vers une heure du matin a Glatigny. La il apprend que Richelieu est au chateau de Versailles ou le Roi lui a fixe sa residence et que les autres ministres ont ete convoques pour tenir un conseil auquel il n'est pas appele. Il comprend : c'est lui qui est perdu!... Il subit un choc terrible! Il ecrira plus tard : “ J'ai eu un des plus violents exercices interieurs que je pense avoir jamais recu! ” II ne se couche pas. Il demande a son aumonier qui l'a accom-pagne de le confesser et de lui dire la messe, puis decide d'envoyer au Roi sa demission qu'il redige. La messe commencee, a l'epitre, quelqu'un frappe sur l'epaule de Marillac : c'est M. de la Ville-aux-Clercs arrivant qui lui dit :ft Monsieur, je viens vous parler de la part du Roi. - Monsieur, repond Marillac, voulez-vous bien que nous achevions d'ouir la messe?” Le secretaire d'Etat acquiesce. La messe achevee, on sort. M. de la Ville-aux-Clercs dit a Marillac : “ Monsieur, le Roi m'a commande de rece-voir les sceaux de vos mains et de les lui rapporter! ” Marillac va chercher le coffret contenant les sceaux de France, qu'il doit tou)ours avoir avec lui, le donne au secretaire d'Etat, avec la clef suspendue, suivant l'usage, a son cou et en y ajoutant sa lettre de demission. La Ville-aux-Clercs designant un exempt des gardes du corps qui l'a suivi, le presente : “ M. Desprez ”, et dit :
“ Monsieur, le Roi a commande a ce gent^homme de vous accompagner jusqu'au lieu ou il veut que vous vous retiriez. ” Marillac palit! C'est l'exil, peut-etre l'arrestation! Il se tait. La Ville-aux-Clercs s'en va. L'exempt des gardes fait monter Marillac dans un car-rosse, ne gardant de la suite du ministre disgracie que son aumonier, monte avec lui et la voiture part entouree de huit archers a cheval. On ne dit pas a Marillac ou l'on va. Le rnrf-ege marche tout le jour, le lendemain. Il est defendu a Marillac d'ecrire et de parler a personne. Aux etapes, un archer fait la faction, avec sa carabine, devant sa porte. Le carrosse gagne Evreux, Lisieux, Caen. C'est Marillac qui doit payer tous les frais du voyage et se trouve oblige d'emprunter. Enfin on se rend a Chateaudun et c'est la qu'on s'arrete. Marillac residera dans le chateau, toujours garde a vue, y restera deux ans prisonnier, y mourra ! Il a resume dans une page douloureuse ses souffrances indicibles : “ Passer de la plus grande autorite du royaume... a la plus basse sujetion! d'une liberte entiere a une telle captivite ! et, le dernier, en une fort grande pauvrete !... Ah ! La vie est lassante !... ”
Sa commission a Glatigny executee, M. de la Ville-aux-Clercs, suivant les ordres de Louis XIII, se rend a Paris, au Luxembourg. Il doit prevenir Marie de Medicis que le Roi ayant depuis longtemps l'intention de chatier le garde /es sceaux assez ose pour entretenir dans l'esprit de sa mere des sentiments contraires a son service, il s'est decide a le renvoyer. Il compte que la Reine approuvera sa resolution. II ne doute pas non plus qu'elle ne comprenne la necessite ou il se trouve, pour le bien de l'Etat, de continuer a se servir du cardinal de Richelieu. Toute insistance contraire, d'ailleurs, serait superflue et ne pourrait que renouveler les effets funestes de sa der-niere maladie!
Marie de Medicis est abasourdie! Elle commande d'atteler son carrosse pour courir immediatement a Ver-sailles. La Ville-aux-Clercs lui explique que sa demarche ne servira a rien et que le Roi, du reste, va s'absenter de Versailles.
L'emotion est indicible au Luxembourg! Tout le monde est deconcerte! Bautru s'ecrie : “ C'est la journee des Dupes! ” Le mot est reste. Les uns conseillent a Marie de Medicis d'aller tout de meme a Versailles et “ d'en tirer Richelieu par violence ”. C'est impraticable ! La Reine declare avec emportement qu'elle ne pardon-nera jamais a Richelieu l'affront que constitue pour elle le chatiment du vieux garde des sceaux et le choix qu'on a fait, sans laconsulter, poui lui succeder, de Chateauneuf, qu'elle deteste. Mais deja beaucoup de courtisans voyant d'ou vient le vent, s'apaisent, tournent par prudence, mur-murent maintenant que le garde des sceaux etait devenu impossible, que peut-etre tous ces incidents sont fomentes par l'Espagne!...
Pendant ce temps, sur la route qui conduit aux Alpes, galope a toute allure le courrier - un huissier du cabinet nomme l'Epine - envoye aux generaux de l'armee d'Italie. Il arrive le 21 novembre, a midi, au camp de Folizo, au moment ou les trois marechaux : Schomberg, La Force, Marillac, vont se mettre a table avec un certain nombre d'officiers. Personne ne sait rien de ce qui s'est passe a Paris. Le courrier tend sa lettre a Schomberg. Schomberg decachette, s'approche de la fenetre ; La Force, qui le suit, lit par-dessus son epaule et apercevant de quoi il s'agit arrache la lettre et dit a Schomberg : “ Mon-sieur, lisez votre lettre en particulier. ” Schomberg lit dans un corridor et rentre trouble, declarant qu'il ne dinera pas. Marillac presse pour qu'on se mette a table. Schomberg lui dit : “ Apres que vous aurez dine nous irons tenir conseil et nous verrons la depeche du Roi. ” Pendant que le repas se poursuit, Schomberg commande a Puysegur, qui nous a laisse L icJt de cette journee, de faire venir les capitaines des gardes francaises : ils vien-nent. Le marechal leur declare qu'il connait leur devoue-ment et leur fidelite au Roi. Il vient de recevoir de Sa Majeste un ordre etrange pour lequel il a besoin du zele de chacun d'eux. Sa Majeste lui commande d'arreter M. de Mariilac, son confrere, marechal de France, general d'armee comme lui ! Il compte sur eux tous pour assurer l'execution de cet ordre! Les capitaines surpris s'incli-nent. Apres la fin du repas, les trois marechaux se reunis-sent. La Force dit a Marillac : “ Monsieur, ]e suis votre ' ami. Je vous demande comme tel que vous voyiez et rece-viez les ordres du Roi sans murmurer, sans vous emporter, et meme avec patience : peut-etre ce ne sera rien! ” Et alors il ouvre la lettre de Louis XIII, la tend a Marillac. Marillac ayant lu devient bleme. Il balbutie qu'il ira la ou on le menera, docilement. Six officiers sont designes pour le garder : un cap^aine, deux lieutenants, trois enseignes. Quinze jours se passent. Arrive un ordre de Louis XIII commandant de transferer le marechal a Samte-Menehould, ce qui est fait avec une escorte de vingt cavaliers. Marillac ne comprend rien a ce qui lui arrive. Il se sait en bons termes avec Richelieu; le coup ne peut donc venir du cardinal. Il a ecrit au Roi une lettre de soumission et de respect.
Les amis de Louis de Marillac cherchent a intervenir en sa faveur aupres de Louis XIII. Louis XIII, afin de “ jus-tifier ” l'arrestation qu'il a commandee, a ordonne une enquete, sur le passe du marechal et on decouvre, par cette enquete, que, dans la construction de la citadelle de Verdun, dont a ete charge Marillac, il y a eu de nombreux actes de concussions, de peculat, extorsions, dilapida-tions ; qu'on a “ grivele ” sur les depenses et pressure les pays environnants. Voila trouve le chef d'accusation sous lequel on fera son proces criminel au marechal. Des juges sont designes, comme le terrible Laffemas qui etablit la somme des pillages, vols, detournements, commis dans l'etendue de l'eveche de Verdun et dont on accuse Marillac. Une commission extraordinaire est nommee, composee de treize conseillers du parlement de Dijon : elle siege a Verdun en juillet 1631. L'accuse, qui affirme avoir ignore ces mefaits, ?uvre, dit-il, de ses subalternes, usant de tous les moyens de procedure, et l'affaire s'eter-nisant, Louis XIII impatiente fait venir la commission, que presidera desormais le garde des sceaux Chateau-neuf, pres de Samt-Germam-en-Laye, a Ruell meme, propriete de Richelieu ou il y a un donjon entoure de douves. On a accuse Richelieu d'avoir tout conduit, par esprit de vengeance contre les Marillac. Les documents temoignent au contraire que le cardinal a garde dans cette affaire une extreme reserve. L'editeur de sa correspondance, Avenel, remarque que sur les papiers origi-naux relatifs au proces, il n'a pas trouve trace de l'ecri-ture de Richelieu, que celui-ci n'a rien redige, rien corrige-, comme s'il voulait demeurer etranger a ce drame. L'avocat de Marillac, Rouyer, a une conversation avec le cardinal mentionnee dans une lettre conservee a la Bibliotheque de l'Arsenal. On voit Richelieu garder une attitude evasive, se derober, repondre avec em-barras : “ Cela ne me regarde pas ” - “ Mes interets sont ceux du Roi ” - “ On verra si le marechal est coupable ou non. ” Le marechal de Marillac et sa famille seront convaincus que le cardinal n'est pas l'auteyr de cette affreuse aventure. Les juges, dont le nombre'a ete porte a vingt-trois, rendent leur arret le samedi 8 mai 1632. Par treize voix contre dix, ils condamnent Marillac a mort! On vient supplier Richelieu d'intervenir : il repond de s'adresser au Roi! Mais, en realite, nous le savons par le temoignage d'un collaborateur du cardinal, Hay du Chastellet, confirme par le plus venimeux des adversaires de Richelieu, Mathieu de Mourgues, le cardinal a demande au Roi la grace de Marillac sous la forme de ce qu'on appelle (( une abolition ”, c'est-a-dire une amnistie, et c'est Marillac qui l'a refusee sous pretexte qu'il n'est pas un coupable auquel on ait a pardonner mais qu'il est innocent! Le surlendemain de la condamnation, lundi 10 mai, a quatre heures et demie, sur la place de Greve, devant le perron de l'Hotel de Ville de Paris, le marechal est decapite ! C'est l'epilogue le plus sanglant de la journee des Dupes : ce ne sera pas le dernier!
Apres l'evenement du 11 novembre 1630, Richelieu est demeure triste et abattu. Ses amis comme Schomberg lui ont envoye des lettres de felicitations. “ Le comman-dement de notre Roi, lui a dit Schomberg, et la necessite que la France a de vous, vous convient a demeurer : vous le ferez afin de rendre ce que vous devez a votre maitre et a votre chere patrie ! ” Mais ces paroles ne tou-chent pas le cardinal. Lorsque l'ambassadeur venitien vient le complimenter, le 19 novembre, Richelieu ne lui parle que de la Reine mere et avec douleur! Il lui dit que, malgre l'affront qu'elle lui a fait, il reste son oblige. Il ne peut oublier ce qu'il lui doit. Il ne convient pas de repondre a tant de bienfaits par de l'ingratitude! L'am-bassadeur rapporte alors a Richelieu ce que Louis XIII lui a dit dans son audience : " J'ai fait tout ce que J'ai pu pour apaiser la Reine ma mere, mais ne pouvant obtenir d'elle quoi que ce soit, je lui ai declare et aux autres que j'entendais soutenir le cardinal contre tous! Pour rien au monde je ne veux l'abandonner! ” Et Riche-lieu repond : “ A quoi bon tout ce que ]e peux faire pour le Roi si la Reine ne me pardonne jamais ! ” II sent son action politique paralysee d'avance : II en est empoi-sonne! Les ambassadeurs constatent qu'il ne parle que de cela, tellement cette pensee l'accable, et Bullion ecrira :
“ Le cardinal s'abandonne si fort au chagrin qu'il n'est plus reconnaissable ! ” Ainsi, pour Louis XIII, rien n'est encore fini en ce qui concerne Richelieu, l'opposition de sa famille, de sa mere, de son frere, restant irreductible. Que va-t-il faire?...
Cept ans lorsqu'il a perdu son pere qui en avait quatre-vingt-cinq et il met sur le compte de celui-ci de tres nombreux recits d'une precision de details et d'un eclat de couleur ou d'une intensite de vision qui revelent plus le genie de l'ecrivain memoria.



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L'EVASION DE COMPIEGNE. 1631 ' EPILOGUE

Le parti de Louis XIII est pris! Il ne sacrifiera pas Richelieu! Il faut resoudre la question de l'hostilite de la Reine mere : l'interet politique l'exige. Comme il va l'ecrire a son frere dans quelques semaines : “ Je lui rendrai (a Marie de Medicis) ce qu'un bon fils doit a sa mere : rien ne m'en peut divertir ”; mais aussi “ rien ne peut m'empecher de satisfaire a ce que ]e dois a mon Etat et au bien et au repos de mes sujets ”. Comment concilier ces contraires?
Il envoie Bullion a Marie de Medicis afin de sonder le terrain. Nous avons le recit de l'entrevue de celui-ci avec la Reine par une lettre que Bullion ecrit a Riche-lieu le 18 novembre. Marie de Medicis en voyant entrer un homme qu'elle sait devoue au cardinal lui dit sarcas-tiquement qu'il est bien hardi de venir la voir : il va passer pour criminel et se faire excommunier! Elle a envoye un gentilhomme prevenir le Roi qu'elle irait le trouver demain a Saint-Germam-en-Laye entre midi et une heure. Ah! << on lui a fait faire beaucoup de chemin depuis trois jours ! ” Elle demande ce que devient Riche-lieu. Bullion repond qu'il est meconnaissable tellement il se sent afflige du mecontentement de la Reine a son egard. Elle dit qu'elle n'en croit rien ! Si le cardinal avait eu de l'affection pour son service, ajoute-t-elle, il n'aurait pas porte le Roi a faire ce qu'il a fait. Elle pleure!... Bul-lion suggere qu'on pourrait peut-etre trouver un moyen d'accommodement. — Lequel? — Que le cardinal ne s'occupe plus des affaires de la Reine et qu'il ne la ren-contre seulement qu'au conseil du Roi. Si elle accepte, elle “ redonnera la vie au Roi ” qui ne peut pas se passer du cardinal et souffrirait affreusement de le perdre, toutes les affaires de l'Etat devant pericliter! — Oui, dit-elle, c'est l'habilete du cardinal d'avoir arrange les choses de telle sorte qu'il n'y ait que lui seul qui les connaisse et puisse les regler! Bullion observe que s'il lui est permis de parler avec franchise, il osera lui dire '< que le conseil qu'elle a pris est un conseil de colere qui est le plus dan-gereux qui soit ”. Elle devrait tacher de vivre avec Riche-lieu comme avec quelqu'un qui lui est indifferent. Elle en a hai bien d'autres qu'elle traite aujourd'hui courtoi-sement! Marie de Medicis declare qu'on l'etranglerait plutot que de lui faire faire quoi que ce soit malgre elle, et cela pour un homme qui, etant sa creature, veut la perdre! Bullion proteste qu'on la trompe; le cardinal n'a pour elle que des sentiments de respect et de devoue-ment. C'est le Roi, d'ailleurs, qui la prie d'accepter l'accommodement dont il vient de lui parler. Un moment silencieuse la Reine repond qu'il n'est pas necessaire qu'elle aille au conseil! Bullion la quitte et pense que le Roi la pressant un peu, pourrait peut-etre obtenir ce qu'il desire. Mais, le lendemain, quand Louis XIII voit sa mere, elle lui notifie qu'elle ne veut plus rencontrer Richelieu : “ Elle mourra plutot ”; a quoi le Roi repond fermement que, lui, est “ oblige de maintenir le cardinal lusqu'a la mort! ” Elle dira ensuite a Bullion qu'elle attendra que le Roi “ ouvre les yeux et les oreilles. Dieu ne paie pas toutes les semaines, ajoute-t-elle, mais enfin il paie! Je prendrai mon temps et je le retrouverai! Je me donnerais plutot au diable que de ne pas me venger! ” Ainsi elle est butee!
Louis XIII et Richelieu en sont desoles. Richelieu ecrit a ses parents, la marquise de Breze, sa s?ur, le commandeur de La Porte, son oncle, que la Reine ne voulant plus de ses services et l'ayLnt chasse ainsi que sa niece madame de Combalet, dame d'atour, son cousin M. de La Meilleraye, capitaine de ses garder, il les supplie tous de faire comme lui, d'obeir et de se taire. Ils ont cette consolation que le Roi est tres chagrine de ce qui se passe. Ainsi la tenue de Richelieu est digne! Mais il est a la merci du moindre incident.
Le 21 novembre, en effet, le Roi recevant en audience une delegation des cours souveraines venues a propos de l'affaire de ce qu'on appelle le droit annuel, a tellement sur le c?ur l'attitude de sa mere qu'il ne peut resister au desir de rendre publics ses sentiments pour Richelieu. Il dit aux magistrats : “ Vous savez ou l'animosite a porte la Reine ma mere contre M. le cardinal. Je veux honorer et respecter ma mere mais ]e veux assister et proteger M. le cardinal contre tous! ” et il charge les magistrats de repeter ces propos dans leurs compagnies respectives. Le bruit court qu'a la Chambre des Comptes le president de Nicolay a dit que “ la Reine, par animosite et sans sujet, avait decharge le cardinal de ses affaires, mais que le Roi le protegera comme son fidele serviteur envers et contre tous! >'
Ces mots rapportes a Marie de Medicis la mettent hors d'elle. C'est le cardinal, s'ecrie-t-elle, qui a dicte cette declaration. On l'Insulte ! On la traite “ le baton a la main ! ” Elle en est “ outree jusqu'au c?ur! ” Richelieu est navre! Il tache de lui faire dire par le Pere Suffren, par Rance, par Bullion, qu'il n'est pour rien dans ce qu'a dit le Roi, qu'il ignorait meme que Sa Majeste dut parler ainsi! “ Je suis au desespoir, ecnt-il a Bullion, le 23 novembre. Je vois bien qu'il arrivera toujours de nouveaux acci-dents inopines et qu'il est impossible de prevoir, qui aigriront ce que ]e voudrais pouvoir adoucir aux depens de ma vie ! ” II repete : " Ni moi, ni mes amis, ne savions ce que le Roi voulait dire! "
Que resoudre? On songe a provoquer l'intervention du nonce, Bagni, nouvellement nomme cardinal et qui va retourner a Rome. Le nonce accepte. Il se rend chez Marie de Medicis le 7 decembre. Ce sont de longues recriminations de la part de la Reine. Elle pose des con-ditions. Pressee, elle finit par consentir a se rencontrer avec Richelieu au premier conseil que le Roi tiendra chez lui, pas chez elle. Puis elle admet que le Roi vienne chez elle et lui amene le cardinal. La rencontre a lieu. Marie de Medicis recoit Richelieu d'un air tellement froid et hautain que Bagnl et le Pere Suffren l'en blament vive-ment. Alors, le 15 decembre, elle dit vouloir parler a Richelieu qui vient au Luxembourg avec le Pere Suffren. A sa vue elle fond en larmes! Elle explique au cardinal qu'elle n'a jamais voulu le separer du Roi mais lui faire seulement quitter sa maison. Richelieu proteste de son innocence, dit qu'il l'a toujours servie depuis quatorze ans fidelement ; qu'il est pret a se justifier de tout ce dont on l'accusera! Il insiste pour savoir s'il est coupable ou innocent a ses yeux. Elle ne repond pas, puis elle balbutie qu'elle se comportera a l'avenir envers le cardinal comme celui-ci se conduira a son egard. Richelieu repond qu'il est pret a faire tout ce qu'elle voudra lui ordonner pour conserver sa bienveillance. Elle accepte. Cela ressemble a une reconciliation. Mais le 17 decembre Bautru dira a Richelieu que le medecin de la Reine, Vautier, a ce moment l'homme le plus influent aupres de Mane de Medicis, dinant chez la marquise de Sable, a dit que tout cet accommodement '< n'etait que grimace! ” En effet, les jours qui suivent ce sont de la part de Marie de Medicis de nouvelles plaintes, des recriminations, des coleres! Sur quoi, l'attitude que prend Gaston d'Orleans intervenant, vient achever de tout embrouiller!
Au moment de la journee des Dupes, Gaston d'Orleans convaincu que Richelieu est perdu, s'est empresse d'aller faire ses compliments a sa mere. Le vent ayant tourne, il a tourne aussi et a proteste au Roi son frere de sa fidelite et de son devouement. Il a envoye Nogent a Richelieu pour lui dire qu'il l'a hai depuis deux ans “ autant qu'on peut hair un homme ”, mais que maintenant “ 11 veut l'aimer autant qu'il l'a hai! ” Et le 6 decembre il est alle voir le cardinal chez lui pour l'assurer “ de son amitie et de sa protection ”. C'est l'entourage de Gaston, Le Coigneux, Puyiaurens, qui a menage ces dispositions pacifiques, et, suivant une habitude un peu cynique du temps, il se sont fait payer : Le Coigneux a ete nomme president a mortier au Parlement de Paris, Puyiaurens a recu 150 000 livres et une promesse de duche. Quelle securite peuvent presenter de pareils arrangements avec de tels conseillers!
Quinze Jours ou trois semaines se passent. Marie de Medicis est furieuse d'etre abandonnee, comme elle dit, par son second fils. Voila que les conseillers de celui-ci, mis en gout, songent a reclamer de nouvelles faveurs : Le Coigneux, qui est ecclesiastique, voudrait devenir cardinal. Or il n'est pas possible de demander pour lui ce qu'il desire, parce qu'il est en proces avec une particuliere qui pretend etre sa femme et avoir de lui des enfants! Entre temps Puyiaurens s'est arrange avec le duc de Montmorency qui consent a lui passer son duche de Damville. Mais les ministres constatant que Le Coigneux sera jaloux de voir Puyiaurens obtenir ce qu'il a demande tandis que lui-meme se trouvera frustre de son cardinalat, sont d'avis d'ajourner l'acceptation de ce qui a ete arrange entre Montmorency et Puyiaurens, d'ou irritation de ce dernier qui se met d'accord avec Le Coigneux pour estimer que le gouvernement les j'oue tous les deux; il n'y a qu'un parti a prendre : contraindre les ministres a s'executer. Et ils excitent le duc d'Orleans contre Richelieu, le rapprochent de Marie de Medicis, reviennent au moyen d'avoir raison du gouvernement par un grand eclat, c'est-a-dire : faire quitter la cour a Monsieur, avec ce que ce geste comporte de menaces dangereuses, de troubles et de guerre civile!
Et la rupture preparee d'avance s'effectue avec toute l'ostentation necessaire. Le 30 janvier 1631, a neuf heures du matin, Gaston d'Orleans va trouver Richelieu dans son hotel de la rue Saint-Honore accompagne d'une suite nombreuse. Il lui declare qu'il avait l'intention de l'aimer et de le servir, mais que le cardinal ayant manque a ses promesses, il vient retirer la parole qu'il lui a donnee. Etonne, Richelieu demande en quoi il a manque a des promesses qu'il aurait faites. Gaston embarrasse met en avant une affaire avec le duc de Lorraine qu'on devait arranger et qui ne l'a pas ete : Richelieu cherche a repondre. Le prince coupe court en declarant qu'il n'a pas besoin d'eclaircissement : il s'en va; si on l'attaque, il saura se defendre ! Sur cette menace, il sort, monte en carrosse et part pour Orleans. Ainsi, apres la mere, c'est le frere du Roi qui entre en guerre avec Richelieu : toute la famille royale est coalisee contre lui !
Richelieu fait aussitot prevenir Louis XIII qui est a Versailles. Louis XIII revient a Paris, va trouver Riche-lieu au Palais Cardinal, lui dit que ce qui se passe est dirige contre lui a cause des services eminents qu'il lui rend, mais qu'il est resolu a le soutenir et a ne pas capi-tuler !
Que faire encore? Louis XIII est convaincu que Marie de Medicis est entrainee par tous les mauvais conseils qu'elle recoit et " les pestes ” qui l'environnent. Alors, brusquement, il decide, afin d'eloigner sa mere de cet entourage, de s'en aller a Compiegne et de l'y emmener. Dans le vieux chateau du lieu, petit, etroit, serre contre les murailles de la ville, elle ne pourra avoir grand monde avec elle • peut-etre, dans le calme, le silence, et la demi-solitude d'une petite ville de province, Louis XIII par" viendra-t-il a la convaincre de renoncer a ses haines et de se reconcilier avec le cardinal. Informee du projet de depart du Roi pour Compiegne, Marie de Medicis se dit prete a suivre son fils ; elle entend ne pas le quitter afin de surveiller les evenements. Le 12 fevrier, le Roi gagne Compiegne. Marie de Medicis et Anne d'Autriche le rejoignent quelques jours apres. Du 12 au 23 vont se derouler les derniers actes du drame dont le sujet se pose depuis si longtemps a l'esprit torture de Louis XIII : choisir entre sa mere et son ministre, entre ses devoirs de fils et ceux de sa charge de souverain; l'interet pri-mordial du royaume va l'emporter!
A Compiegne, Louis XIII, d'abord, renouvelle ses efforts afin de decider sa mere a revenir de ses preven-tions. Malgre ses repugnances, il accepte d'essayer de l'intermediaire du medecin Vautier qu'il meprise. Sur son ordre, Schomberg voit Vautier. Il lui dit que le Roi desire ardemment la reconciliation de sa mere avec le cardinal. Le cardinal ne souhaite rien autre que de retrouver les bonnes graces de la souveraine. Il faut qu'elle assiste aux conseils : le Roi le desire; qu'elle signe uh ecrit par lequel elle y consent. Vautier, tout heureux qu'on ait recours a lui, repond qu'il ne croit pas que la Reine refuse de signer cet engagement.
Le lendemain, il apporte la reponse : la Reine desire demeurer en bons termes avec son fils : mais elle n'accepte pas de venir assister aux conseils. Vautier ajoute que, devant cette resolution, il n'a pas ose lui parler de l'engagement a signer. Schomberg replique que cette reponse est insuffisante. Le Roi decide alors d'ecarter Vautier, et d'envoyer directement a sa mere Schomberg et le garde des sceaux Chateauneuf qui diront a Marie de Medicis ce qu'on avait charge le medecin de lui declarer. Les deux ministres se rendent aupres de la princesse, lui parlent avec chaleur, la supplient de ceder : la reine main-tient ses refus !
Louis XIII assemble ses ministres : Quel parti faut-il prendre? Chacun donne son avis. Lorsque arrive le tour de Richelieu qui est le dernier a parler, le cardinal s'excuse de ne pouvoir donner son opinion danr une affaire ou il est trop directement interesse. Le Roi insiste, “ commande absolument ”. Alors Richelieu s'explique. On va voir ici un cas remarquable de la clarte et de la nettete ordinaires de son esprit.
La France, dit-il, en ce moment, est entouree d'Etats envieux qui ne cherchent qu'a fomenter des troubles dans le royaume pour l'affaiblir. La Reine mere et Mon-sieur sont mecontents. Les grands, les parlements, le peuple peuvent en profiter pour se procurer des avan-tages au detriment de l'autorite royale. De pareilles cir-constances ont mis, il y a quelques annees “ la France en feu! ” L'affaire presente est grave par la qualite et le nombre des personnages qui y sont meles, ou peuvent s'y meler. Si cela continue et se developpe, il sera impos-sible de faire la paix au dehors.
Quatre moyens s'offrent pour sortir de cette situa-tion : Premierement, s'arranger avec Monsieur : cela n'est pas possible a cause des gens qui l'entourent; on n'a pas pu les gagner par des faveurs; ils ne seront contents que lorsqu'ils seront les maitres de tout! Il n'y a rien a faire avec “ des infideles et des fous! ”
Secondement : s'accommoder avec la Reine mere. C'est tres difficile. La Reine est dissimulee, vindicative • rien ne l'arretera. Au fond, elle ne sera satisfaite que lorsqu'elle sera maitresse du gouvernement et en mesure, par ven-geance, de perdre ceux qu'elle deteste.
Le troisieme moyen est que lui, Richelieu, se retire et quitte les affaires. C'est le meilleur; il faut l'adopter; lui-meme le desire. Cela resoudrait-il toutes les diffi-cultes? Ne chercherait-on pas, tout de meme, apres son depart, a s'emparer du gouvernement, de l'autorite du Roi, et “ quelques chiens otes de la bergerie, n'atta-querait-on point le troupeau et ensuite le pasteur ? ” C'est probable. Mais, neanmoins, si ce moyen doit mettre un terme au mal sans en provoquer de plus grave, il faut l'adopter.
Enfin, quatriemement, dissiper la cabale. Mais celle-ci a “ sa source, son appui et sa force ” dans la Reine mere qui l'entretient “par son indignation et son autorite”. II y aurait donc lieu, dans ce cas, de prier la Reine, avec infiniment de respect, de s'eloigner pendant un certain temps de la cour et de Paris, et d'ecarter d'elle les fac-tieux qui la conseillent. Cette mesure est extremement delicate : elle paraitra a beaucoup “ caustique et violente ” : elle peut se retourner contre ses auteurs. Lui, Richelieu, ne peut la conseiller parce qu'elle semblera de sa part un acte de vengeance ! Si le Roi et son conseil jugent tou-tefois que ce soit la seule possible, il s'inclinera, seule-ment, il “ suppliera le Roi de lui permettre sa retraite ! ” ' Ainsi a parle Richelieu.
On met en deliberation les quatre projets. Tout le conseil penche en faveur du dernier, mais les ministres sont d'accord pour refuser la retraite du cardinal, ce qui serait, disent-ils, “ ruineux et non praticable ”. Quant a l'eloignement de la Reine, ils disent que c'est au Roi seul a peser murement et a decider ce qu'il jugera necessaire a l'Etat. Ils ne peuvent, eux, avoir d'opinion sur ce sujet par respect et fidelite aux personnes royales.
Alors Louis XIII tranche sans hesiter. Il dit qu'il a constate avec une extreme amertume combien sont inutiles aupres de la Reine sa mere, toutes les demarches, remontrances et supplications qu'on a pu lui faire. Elle subit de mauvaises impressions dont on ne peut la faire revenir. Il adopte donc le dernier parti propose qui est de se separer d'elle pendant un certain temps, peut-etre tres court, jusqu'a ce que son esprit soit calme. En attendant il eloignera d'elle “ pour toujours, ceux qui sont les auteurs de ces maux! ” II va rentrer a Paris sans sa mere, qu'il invitera a vouloir bien se retirer dans une de ses maisons en province, par exemple a Moulins, ville pour laquelle elle avait jadis quelque predilection du temps de Henri IV. Il lui donnera en meme temps que le commandement de la place celui de la province dont il dedommagera le prince de Conde qui en est actuellement detenteur. Puis il leve la seance.
Alors, avec son esprit methodique et severe, il prepare lui-meme les details de la realisation de ce qu'il a decide d'une maniere telle que cette operation va prendre le caractere d'une veritable execution! Mais il est excede! Le moment est venu pour lui d'en finir !
Il appelle d'urgence a Compiegne huit compagnies des gardes francaises, cinquante chevau-legers, cinquante gendarmes. Le 23 fevrier, de bonne heure, il partira de Compiegne avant le reveil de sa mere et sans l'avertir, emmenant avec lui la reine Anne d'Autriche et la cour. Il laissera le marechal d'Estrees qui commandera les troupes, charge, avec le secretaire d'Etat de la Ville-aux-Clercs, d'aller remettre a Marie de Medicis une lettre de lui notifiant sa determination. C'est ce que madame de Motteville appellera “ le grand coup de Compiegne! ”
Et les choses s'executent comme il les a reglees. Il se leve le 23 de bonne heure, a la nuit, va trouver Anne d'Autriche qui ne sait rien, la fait lever. On reveille les dames et le reste de la cour et tout le monde, precipi-tamment, dans la confusion de la hate generale, monte en carrosse et pait pour Pans. Louis XIII a donne des instructions detaillees au marechal d'Estrees : celui-ci devra mettre des gardes aux portes du chateau et a celles de la ville. Si la reine veut sortir de Compiegne, il lui dira respectueusement qu'il a ete charge par le Roi de la prier d'attendre, auparavant, de ses nouvelles.
A sept heures du matin, le marechal d'Estrees et M. de la Ville-aux-Clercs se rendent a la chambre de Marie de Medicis qui est couchee et qu'on eveille. Ils lui remettent la lettre du Roi qui donne a sa mere les rai-sons de son depart inopine et la prie de se retirer a Moulins, “ ou elle sera en toute liberte et autorite ”. La Ville-aux-Clercs explique que le Roi a eprouve une grande peine a prendre cette determination mais il y a ete contraint par les necessites des affaires de son royaume. Marie de Medicis lit la lettre, la plie tres emue, puis dit : “ Le Roi m'ordonne d'aller a Moulins ” : c'est la reponse au refus qu'elle a fait d'assister au conseil. Elle pleure! Estrees et la Ville-aux-Clercs lui disent qu'elle est libre de se promener dans Compiegne. Elle repond au milieu de sanglots : “ II est bien etrange qu'etant mere du Roi je sois soumise aux volontes de ceux qui ont pouvoir sur son esprit! Je suis innocente! ” Elle ne dit pas si elle obeira et ira a Moulins. Dans la matinee, elle ecrit au Roi lui exprimant sa surprise : “ Elle n'a rien fait, dit-elle, qui merite un si dur traitement! ” Ce ne sera approuve ni de Dieu ni des hommes. Elle pense que le Roi reviendra a ce qu'il doit a sa mere!
Pendant ce temps, conformement aux prescriptions de Louis XIII, d'autres decisions du Roi sont executees. Le marechal d'Estrees fait arreter Vautier, l'envoie a la Bastille. La princesse de Conti est invitee a s'en aller a Eu en exil : elle y mourra dans quelques jours, subite-ment, d'apoplexie. Son confident et amant le marechal de Bassompierie, comme Vautier, est embastille. Sont aussi exilees dans une de leurs terres : les duchesses d'Ognano, d'Elbeuf, madame de Lesdiguieres. Marie de Medicis va efre etroitement surveillee. Il resulte d'une lettre de M. de Seroux, “ sergent-ma]or a Compiegne ”, qu'on met des gardes partout au chateau et que la nuit nul n'entre en ville, les portes de Compiegne demeurant exactement fermees. Les partisans de Marie de Medicis se plaindront qu'on ait place des corps de garde d'infan-terie jusque dans la basse cour du chateau.
Le lendemain, 24 fevrier, apres une nuit sans sommeil, Marie de Medicis accablee ecrit au Roi une seconde lettre ou elle dit combien elle a ete affligee de recevoir l'ordre de s'eloigner. Elle obeira; elle ira a Moulins.
Mais cette ville a ete infectee l'hiver par une maladie contagieuse et l'est encore : le chateau est delabre; on ne peut y loger. Elle demande a se rendre a Nevers en attendant que la ville de Moulins soit assainie et le chateau repare. Pour le gouvernement du Bourbonnais, elle le refuse. Elle reclame le retour de son medecin Vautler !
Richelieu est dans un extreme chagrin ! Il ne le cache pas. Il ecrit le 26 fevrier a son frere l'archeveque de Lyon : “ Je voudrais avoir pu racheter de mon sang la necessite de ce conseil! ” Par prudence, Louis XIII a explique le 23 au Prevot des marchands et aux echevms de la ville de Paris, afin de prevenir quelque emotion de l'opinion publique, les raisons qui l'ont determine a agir comme il l'a fait a l'egard de la Reine. Mais le chevalier du guet Testu informe le 25 Richelieu que la nouvelle n'a produit aucune sorte d'effet sur la population pari-sienne qui est restee completement indifferente !
Au recu de la seconde lettre de sa mere, Louis XIII fait repondre qu'il consent a ce qu'elle aille provisoire-ment a Nevers. De l'attitude de la princesse le marechal d'Estrees conclut qu'elle n'a aucune intention de s'en aller. Le Roi fait savoir alors qu'il lui donne huit jours pour achever ses preparatifs : on lui rendra Vautier qu'elle reclame lorsqu'elle sera a Nevers. La Reine ayant voulu aller se promener en foret, d'Estrees l'accom-pagne avec des capitaines, des officiers des gardes et quelques gentilshommes, sans troupe d'escorte. Le Roi approuve :“Vous lui avez fait voir, ecnt-il au marechal, qu'elle n'est pas en arret, ni suivie de gens de guerre lorsqu'elle veut sortir. ” II fait relever les huit compagnies de ses gardes par douze compagnies du regiment de Navarre.
Huit jours se passent : la Reine ne part pas : elle pre-texte qu'elle a besoin de se soigner, qu'elle veut Vautier tout de suite et, repondant a une question du marechal sur la date de son voyage, elle lui dit qu'elle verra, quand elle ira mieux, dans six ou huit jours. Au bout de huit jours elle multiplie les raisons de ne pas s'en aller : elle attend le beau temps; elle n'a pas d'argent, pas d'equi-page; elle a une fluxion. Elle pretend ensuite qu'on lui a ecrit de Paris qu'on avait l'intention de la renvoyer a Florence. D'Estrees demande au Roi de faire dementir ce bruit qui, parait-il, court effectivement.
Le 20 mars, Louis XIII previent sa mere qu'il est temps pour le bien de ses affaires qu'elle s'en aille. Il n'y a pas de peste a Moulins ; le chateau n'est pas dans le mau-vais etat qu'on lui a dit : il est repare. Elle peut cependant sejourner un temps a Nevers si elle le desire. Elle repond qu'elle est souffrante, qu'elle croit qu'on veut prendre a son egard des mesures etranges (l'envoi a Florence) qui la troublent au point qu'elle n'a plus de repos ni jour, ni nuit. Ce serait sa mort! Et elle s'exhale contre ceux qui veulent sa perte! Que le Roi la laisse ou elle est! Louis XIII ecrit a d'Estrees qu'il faut qu'elle parte le mercredi suivant : “ Je le veux! ” A la date indi-quee, la Reine persiste a ne pas s'en aller! Il n'y a pas de doute : elle a maintenant l'idee fixe, et elle l'ecrit a Louis XIII, que de Moulins on veut la conduire a Roanne, puis l'embarquer pour la mettre a Marseille dans une galere qui la fera passer en Italie ou elle n'a plus que des parents eloignes qu'elle n'a jamais vus.
Louis XIII alors envoie a Compiegne le 2 avril un de ses gentilshommes M. de Saint-Chamond, conseiller en son conseil d'Etat, pour lui dire qu'elle cherche a faire croire au monde qu'elle est prisonniere a Compiegne, ce qui n'est pas exact : elle peut aller se promener, on vient la voir. A Moulins elle sera en liberte absolue. Il attend depuis six semaines. Il faut qu'elle s'execute! Quant a l'accusation qu'on veut la renvoyer a Florence, elle est “ ridicule ” : le Roi n'a jamais eu cette intention. Le marechal d'Estrees ecrit a la Ville-aux-Clercs : “ Nous avons fait tout ce que nous avons pu avec Saint-Chamond, nous n'avons rien obtenu! ”
Les semaines passent. A la fin de mai, Louis XIII envoie a sa mere Schomberg et M. de Roissy, doyen du ' conseil d'Etat, pour lui dire, puisqu'elle craint tant en allant a Moulins de se trouver sur un chemin d'ou elle serait conduite a Marseille et a Florence, qu'il lui pro-pose Angers ou Blois dont il lui offre le gouvernement. Elle refuse! Elle veut rester a Compiegne! Elle n'en sortira que c par force! ” Elle proteste avec violence contre les troupes qui l'environnent et qui attestent au monde qu'elle est vraiment prisonniere. Afin de lui donner satisfaction sur ce point, Louis XIII decide, au debut de juin, de faire sortir les troupes de Compiegne. Les troupes parties de la ville, Marie de Medicis ne change rien a sa vie de recluse : elle affecte de croire qu'infanterie et cavalerie sont tout pres, a une petite distance et l'environnent toujours.
Louis XIII a fait desserrer et meme en realite sup-primer peu a peu toute la surveillance qui s'exercait autour de sa mere et cependant depuis le mois de mai, des avis lui parviennent qui devraient le mettre en eveil ! Des gens, lui dit-on, viennent la nuit voir Marie de Medicis. Sourdeac a fait faire un carrosse special pou-vant emporter nombre d'objets. Le baron de Maille a prevenu qu'un serviteur de la Reine, Fabroni, est alle deux fois en Flandre. De Compiegne, en juillet, le ser-gent-major, M. de Seroux, ecrit a Richelieu qu'il se fait beaucoup d'allees et venues autour du chateau, qu'on a vu emporter de la vaisselle d'argent; qu'un soir un carrosse a six chevaux est sorti ou se trouvait un homme inconnu. Il ajoute : “ II y a anguille sous roche! Il y a assurement ici quelque chose d'extraordinaire ! ” D'apres des renseignements recueillis ensuite, la Reine aurait ete prevenue, vers ce moment-la, que MM. de Schomberg, d'Estrees et le marquis de Breze allaient venir avec une troupe de douze cents cavaliers l'enlever! Est-ce cette nouvelle qui la decide? Brusquement, le 19 juillet, on apprend a Paris par un courrier de madame de Guise envoye a son mari, que, le vendredi 18, vers dix heures du soir, la Reine, montant en carrosse, s'est enfuie de Compiegne! Une enquete ordonnee immediatement par le Roi et confiee a M. de Nesmond, maitre des requetes, aide des “ attournes ” ou gouverneurs de Compiegne et du lieutenant civil et criminel au bailliage de la ville, M. Desprez, va nous fournir tous les details de cette evasion !
Ce sont deux personnages de l'entourage de la Reine qui ont organise la fuite : Joachim de Cerisay. aumonier de Marie de Medicis, de la Mazure, lieutenant des gardes. Le vendredi 18 juillet, vers dix heures du soir, des temoins ont vu un carrosse attele de six chevaux bais appartenant a madame du Fresnoy, mere d'une demoiselle d'honneur de la Reine, sortir de Compiegne par la porte de Pierrefonds et se diriger vers la route de Soissons. Dans la voiture se trouvent madame du Fresnoy et un gentilhomme. A la meme heure, une dame enve-loppee de voiles epais est sortie du chateau par la porte de la chapelle qui donne sur le rempart, accompagnee d'un gentilhomme : tous deux avaient l'air d'aller se promener. C'est l'heure ou l'on va fermer cette porte qui est laissee generalement ouverte Jusque-la pour permettre aux dames de la cour de se retirer. La dame et le gentil-homme, qui sont : Marie de Medicis et la Mazure, font deux ou trois cents pas et sont rejoints par un homme a cheval. Masse, exempt des gardes, et un individu a pied. Le portier crie qu'il va fermer la porte. Une voix d'homme lui repond qu'il peut la fermer : ils ne reviendront pas par la! La porte se ferme. Le groupe sort de la ville, va i f-trouver le carrosse de madame du Fresnoy sur la route de Soissons et Marie de Medicis, que rejoint une de ses femmes de chambre, monte dans la voiture avec madame du Fresnoy, tandis qu'une troupe de cavaliers qui est la, se dispose a l'escorter. On saura, plus tard, que ces cavaliers sont : MM. de Bethencourt, de Baradas, de Nantouiliet, Besancon. Le cortege part dans la direction de Choisy-au-Bac.
Tout a ete prepare d'avance. Quelque temps aupara-vant un gentilhomme, M. de Vion, a prie un individu de Compiegne nomme Pierre Lefebvre, dit Carotte, qui se charge de courses et de transports, d'aller porter des lettres a M. de Bellenglise et a d'autres. Le 15 juillet, a trois heures du matin, Vion a fait mettre au dit Lefebvre, sur une charrette, un long coffre tres lourd, a transporter a La Capelle en Thierache. Arrive, sur la route de La Capelle, a Sains, a quatre lieues de Vervins et descendu a l'hotellerie de l'Estrille, Lefebvre a entendu dire au cuisinier de la maison que la reine Marie de Medicis allait venir et que trois carrosses etaient prets depuis plusieurs jours pour la recevoir, dont l'un, attele de quatre juments grises appartenant a M. de Vardes qui fait fonction, a la place de son pere, le marquis de Vardes, de gouverneur de La Capelle ; un autre attele de six chevaux blancs appartenant a M. de Crevec?ur, gouverneur d'Avesnes en Flandre. Un postillon ajoute qu'on tient tous les jours ces carrosses atteles et qu'il y a en outre a l'ecurie huit chevaux de selle prets. Au moment ou Vion veut se mettre en route pour gagner La Capelle, un gentilhomme vient le prevenir que c'est mutile, qu'il ne sera pas recu dans la place et qu'il doit aller droit a Avesnes, pays alors espagnol, en passant la frontiere, ce qui est execute.
Marie de Medicis, en effet, en quittant Compiegne a le projet de se diriger vers La Capelle, place forte ou elle sera a l'abri. Elle a envoye le comte de Moret au fils du gouverneur de la place, le marquis de Vardes, qui remplace donc son pere, afin de le prier de l'y recevoir. Vardes qui n'aime pas Richelieu a accepte. La pensee de Marie de Medicis est que, arrivee a La Capelle, Louis XIII l'y laissera, qu'elle s'y trouvera en surete, a deux pas des Espagnols en mesure de la secourir au besoin, et que de la elle traitera a son aise avec son fils comme elle l'a fait autrefois. Ce qu'elle ignore, en chemi-nant de nuit sur la route de Choisy-au-Bac, c'est que le fils de Vardes, apres avoir recu l'appel de la Reine sollicitant son concours et avoir accepte, a ete inopinement mande par le Roi a la cour pour on ne sait quelle affaire : il a obtempere et, a ce moment, obeissant a la demande de Marie de Medicis qui a, sans doute, indique l'urgence de son depart, a quitte brusquement la cour sans prendre conge du Roi, d'ou colere de Louis XIII qui, irrite de cette insolence, soupconnant que Vardes va s'enfermer dans La Capelle avec de mauvaises intentions — il n'y a pas d'indice que ni lui, ni Richelieu, se soient doutes de la fuite prochaine de Marie de Medicis, — envoie dire au pere, le marquis de Vardes, qui est chez lui pres de Cournay, en Normandie, d'aller droit a La Capelle, d'y reprendre le commandement de la place et d'en faire sortir son fils. Le pere eperdu part aussitot, arrive le 18 juillet a minuit a La Capelle, assemble les bourgeois en bataille et somme son fils qui est enferme dans la citadelle de sortir. Le fils hesite. Le vieux marquis declare que si un seul soldat de la garnison est rebelle au Roi, il les fera tous pendre! Les portes s'ouvrent et le jeune Vardes s'enfuit dans les Pays-Bas. Voila pourquoi Vion arrivant a Sains a ete averti qu'il ne peut plus compter sur La Capelle et qu'il doit s'en aller ailleurs, a Avesnes.
Partie de Compiegne, Marie de Medicis est arrivee au bac de Choisy a minuit. Trois gentilshommes qui l'ont devancee et l'attendent la font passer, apres quoi, mettant a cheval le passeur Laurent Robiquet, lui disent d'accompagner le cortege jusqu'a Blerancourt pendant qu'eux-memes ramenant le bac sur la rive nord de l'Aisne, l'enchainent, cadenassent et restent a surveiller le passage, pistolet au poing, jusqu'au lendemain dix heures.
De Choisy, Marie de Medicis, par la foret de Laigue, gagne Tracy en suivant le mur du parc d'Offemont, Blerancourt ou elle est a quatre heures du matin. La on renvoie le passeur Robiquet, en lui recommandant, s'il rencontre quelque troupe poursuivant le cortege, de dire que le carrosse est entoure de cent cinquante cava-liers.
A huit heures du matin la Reine est a Rouy, entre Chauny et La Fere. De Rouy, par Pont-sur-Serre, elle se dirige vers Sains ou elle parvient un peu apres midi. C'est la qu'elle apprend a son tour ce qui s'est passe a La Capelle. La place lui est fermee! C'est une grosse decep-tion! Ou aller? Que devenir? Marie de Medicis se repand en plaintes ameres contre le fils de Vardes : “ II l'a ruinee : elle ne voulait pas sortir de France et la porte de cette place lui etant fermee, il faut qu'elle sorte du royaume et c'est ce que demandent ses ennemis! ” En effet, a tout instant, une troupe peut venir l'envelopper et l'arreter! Il est necessaire qu'elle se rende donc a Avesnes, la ville importante la plus voisine du territoire espagnol. Elle envoie a Avesnes Barradas et Besancon. Le gouver-neur de la ville, M. de Crevec?ur, est a Bruxelles. On prie un gentilhomme d'aller l'avertir et Marie de Medicis arrive le dimanche 20 juillet a quatre heures du soir a Avesnes, toujours dans le carrosse de madame du Fres-noy, escortee de huit cavaliers. Elle descend a l'hotellerie de l'Ecu de France. Elle va rester la dix jours. Le 30 elle se rendra a Mons, puis a Bruxelles.
La voila a l'etranger! Elle ne se doute pas que c'est fini! et qu'elle ne rentrera jamais plus en France!.. Le 21 elle ecrit a Louis XIII une lettre violente ou elle accuse Richelieu d'etre cause de tout : c'est le cardinal qui l'a fait inciter a fuir, qui a prepare le piege de La Capelle, pour la contraindre a passer la frontiere, “ qui estoit tout ce qu'il desiroit de moi et ce que je craignois le plus! ” Elle se plaint d'avoir ete poursuivie par de la cavalerie qui l'a obligee, dit-elle, a se rendre a l'etranger, ce qui est faux. Le cardinal, repete-t-elle, veut mettre la mere et les enfants hors du royaume et la faire mourir, elle, entre quatre murailles!


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ссылка на сообщение  Отправлено: 17.11.08 16:12. Заголовок: Louis XIII, demeure ..


Louis XIII, demeure tres calme a la nouvelle de sa fuite, lui repond qu'il s'etonne que ceux qui lui ont fait ecrire cette lettre n'aient pas eu honte d'avancer des faits inexacts. Marie de Medicis exasperee envole requete au Parlement de Paris pour porter plainte contre Riche-lieu. Louis XIII se rend au Parlement le 12 aout et fait enregistrer une declaration dans laquelle il dit que la requete de la Reine est pleine de faits calomnieux, qu'il ' declare les conseillers de sa mere, la faisant agir, cri-minels de lese-majeste; qu'il interdit a tous ses sujets d'avoir la moindre communication avec eux et il fait saisir et sequestrer tous les revenus de sa mere. Il l'a sacrifiee ! Il ne va pas etre moins inflexible a l'egard de son frere!
Nous avons dit que Monsieur quittant brusquement Paris le 30 janvier 1631 s'est refugie a Orleans. Il a ecrit a Marie de Medicis qu'il s'en allait parce qu'il ne pouvait plus supporter les violences que le cardinal de Richelieu exercait contre elle. Louis XIII ne jugeant pas digne de marchander avec Le Coigneux et Puyiaurens le retour de son frere, ecrit simplement a celui-ci qu'il attendra son retour a de meilleures dispositions.
Mais on apprend que l'entourage de Monsieur prepare la guerre civile, appelle des gentilshommes partisans du prince, recrute dans toutes les provinces des gens de guerre, rassemble des approvisionnements, achete armes et munitions. Inquiet, Louis XIII envoie, a la fin de fevrier, le cardinal de la Valette a son frere afin de lui rendre compte de ce qui s'est passe entre lui et leur mere et l'inviter a se soumettre. Monsieur refuse toute entente et la Valette constate qu'il fortifie Orleans.
Alors Louis XIII decide de marcher droit sur Orleans avec des troupes. Il part le 11 mars par Etampes, s'avance. Monsieur effraye monte a cheval le 13, gagne la Bour-gogne. Le Roi le suivant, continue sur Joigny, Auxerre, ou il est le 18, de la se dirige vers Dijon. Le 23, Gaston d'Orleans lui envoie une lettre que les siens ont composee et qu'on imprime, ou le prince, prenant a partie les mi-nistres, se plaint hautement des traitements indignes qu'on fait subir a sa mere et de ce qu'on le chasse, lui, du royaume, apres l'avoir chasse de sa maison. Il en est reduit a aller chercher une retraite a l'etranger! De Chanceaux, le 26 mars, Louis XIII lui repond que s'il quitte le royaume c'est l'effet de “ sa mauvaise conduite, de ses mauvais conseils et de ses injustes desseins ”. Son frere fait comme tous ceux qui, avant lui, ont attaque les rois : il s'en prend a ses ministres pour le blamer sous leur nom! Cette lettre est publiee. Ce meme jour, 26 mars, Louis XIII entre a Dijon. Le 30 il fait verifier au Parlement de Bourgogne une proclamation ou il declare criminels de lese-majeste tous ceux qui entourent son frere : Le Coigneux, Puyiaurens, les ducs de Belle-garde, d'Elbeuf, de Roannez, auteurs des pernicieux 20 conseils donnes a Monsieur. Gaston d'Orleans passe a Besancon, ville alors au roi d'Espagne; le voila lui aussi a l'etranger!
Louis XIII revient vers Fontainebleau. Le 3 avril, il recoit, datee de Besancon, une lettre de son frere “ d'une insolence insupportable ” et si outrageante, qu'indigne le Roi fait arreter le porteur et ordonne de le jeter en prison ! Comme riposte, Monsieur envoie une requete au Parle-ment de Paris ou, s'en prenant cette fois ouvertement au cardinal de Richelieu, il l'accuse de le persecuter lui et sa mere, en attendant de persecuter sans doute le Roi. Il s'oppose a l'execution de la declaration qui charge du crime de lese-majeste ses amis. Il demande au Parlement qu'on fasse son proces a Richelieu sous la prevention de crime de lese-majeste, d'attentat contre l'Etat et la maison royale et il se constitue contre lui partie civile! Par arret du conseil du 12 mai, le Roi ordonne au Parle-ment de supprimer cette requete diffamatoire et par une declaration rendue publique, dit que les accusations articulees dans cette requete sont fausses, notamment en ce qui concerne le cardinal de Richelieu.
De Besancon, Gaston d'Orleans se rend a Nancy chez le duc de Lorraine qui l'accueille avec empresse-ment. Le 31 mai, on lui fait signer une nouvelle lettre a Louis XIII qui va etre le plus violent requisitoire qui ait ete dresse contre Richelieu et ou l'on voit for-mule tout ce qui constituera la legende conservee jusqu'a nos jours de la pretendue tyrannie despoti-que, aveugle, exercee par le cardinal sur la personne de son souverain.
Monsieur dit qu'il va declarer a Louis XIII et a la France “ les intentions et les crimes abominables du cardinal de Richelieu ” qui veut “ detruire le Roi ” et lui “ pour etablir sur leurs ruines ” sa toute-puissance, avec “ une audace active, insolente et impetueuse! ” Le Roi, d'apres lui, est prisonnier de Richelieu “ sans le savoir! ” Le cardinal entend s'emparer de tout le royaume, “ etre souverain de cette monarchie ”, tenir la maison royale a sa discretion. Il a deja le Roi et sa mere <' en sa puis-sance ”. Lui, Monsieur, a echappe par la fuite! Le car-dinal dispose a son gre de toutes les forces, des places, des finances de l'Etat. Afin de se maintenir par la necessite, il poursuit la guerre depuis deux ans en Italie et a ecarte la paix qu'il aurait pu conclure. Il a fait arreter Vendome, executer Chalais. Il ruine l'Etat et “ le peuple meurt de faim ! ” Gaston d'Orleans supplie te Roi de se debarrasser de “ ce tyran formidable ”, de rendre la liberte a sa mere et de faire qu'il puisse etre rappele dans le royaume. Jusque-la il ne pourra que pourvoir a sa securite en se retirant au loin.
Louis XIII repond a ce factum par une lettre severe ou il dit a son frere qu'on essaie de lui faire “ ebranler l'autorite royale ” dans le royaume. Il ne lui appartient pas, ni a ses conseillers, de censurer ses actes et “ ceux i des ministres qu'il emploie dans les affaires ”. Il trouve “ insupportable que des personnes laches et infames, comme sont ses conseillers, aient ete si outrecuidees ' que d'ecrire qu'il soit prisonnier sans le savoir : c'est le combler de la plus notable injure qui puisse lui etre faite! ” Que son frere sache “ une bonne fois pour toutes ” qu'il a entiere confiance dans le cardinal de Richelieu et que l'heureux succes des affaires obtenu jusqu'ici dans l'Etat est assez eclatant pour justifier cette confiance! Les deux documents sont imprimes et cries sur le Pont-Neuf.
L'ambassadeur venitien ecrivait le 17 novembre 1630 :
“ La Reine et Monsieur sont de bien grands colosses dans l'Etat pour etre abattus ! Je ne sais si le cardinal y reus-sira ! ” Si les deux personnages etaient des colosses, ils le devaient moins a leur intelligence ou leur caractere, qui etaient mediocres, qu'a leur situation, l'une de mere, l'autre de frere et heritier presomptif du Roi. La Reine regnante Anne d'Autriche, plutot favorable aux ennemis de Richelieu, pale, effacee, comptant a peine, ils for-maient a eux deux toute la famille royale : de la leur importance et la gravite de leurs actes. Ce n'etait pas Richelieu qui les avait abattus, c'etait, a l'occasion de leurs fautes et de leurs sottises, Louis XIII lui-meme, pour defendre et conserver le cardinal. Ainsi, disaient les adversaires de celui-ci, “ l'interet d'un homme seul avait fait mettre a l'epreuve la mere et le fils, le fils et le frere, pour la ruine et la misere du royaume ! ” Ce juge-ment permettait de mesurer la gravite de la decision a laquelle s'etait arrete Louis XIII! Balzac disait vrai lorsqu'il jugeait que toute cette conjuration de la journee des Dupes qu'on venait de liquider “ etoit formee contre la France ” et le Roi le voyait bien aussi ! Si maintenant il se sentait libre, seul souverain, si tous les elements de desordre dans son royaume etaient maitrises : princes, grands, huguenots, si le pays etait bien different de ce qu'il avait ete naguere, cela etait du a la valeur exceptionnelle de cet homme d'Etat sans egal qui le servait! Et ce qui confirmait son jugement et sa gratitude etait la facon dont Richelieu accueillait son triomphe.
Car, contrairement aux affirmations, dans leurs mani-festes, de la Reine et de Gaston, le cardinal, profon-dement affecte, avait tenu a rester le plus possible a l'ecart de toute cette longue lutte. Nous avons vu son attitude dans les conseils du Roi. L'editeur de sa correspondance, Avenel, constate qu'il n'a pas trouve de lettre de Richelieu relative aux negociations pourtant si actives menees entre Paris et Compiegne. Balzac ecrivait au cardinal a quel point il devinait ce que devait etre sa douleur profonde devant des evenements qui le brouillaient avec une reine a laquelle il devait tant et ce que pouvait etre son chagrin, apres avoir fait tant d'efforts pour maintenir l'entente du Roi et de sa mere, de voir “ ses travaux ruines, et son ouvrage par terre ! " II ajoutait : “ Vous voudriez, je m'en assure, etre mort a la Rochelle ! ” II comprenait bien ce qu'eprou-vait Richelieu. Le roi d'Angleterre causant de ces evene-ments avec sa femme Henriette-Marie lui disait que le cardinal aurait du imiter Scipion l'Africain devant le senat romain. “ Si j'avais ete a sa place, declarait-il, j'aurais ecoute patiemment les plaintes de la Reine et j'aurais dit par apres : Depuis trois ans, la Rochelle est prise, trente-cinq villes huguenotes sont reduites a l'obeissance du Roi et rasees. Casai a ete secouru deux fois ; la Savoie et une partie du Piemont sont entre les mains du Roi : ces effets, ou j'ai contribue ce que j'ai pu, repondent pour moi! ” Richelieu n'avait pas fait le geste, mais Louis XIII savait bien ce qu'il en etait. * On a beaucoup reproche a Louis XIII ce qu'on a appele son ingratitude envers sa mere. Il repondait lui-meme a un envoye hollandais : “ J'ai toujours consulte avec mes confesseurs ce que )e devois a la Reine ma mere. Je n'ai jamais manque en rien de ce qui a ete de ma conscience. Ils m'ont tous dit que je devois plus a mon Etat qu'a elle et la raison l'apprendra a tout le monde ! ” Richelieu qui ecrit dans sa Succincte narration, parlant au Roi :(( Vous n'accordates rien a la Reine qui fut contraire a votre Etat et ne lui refusates aucune chose que ce que vous n'eussiez pu lui accorder sans blesser votre con-science ”, estimait que Louis XIII avait agi avec sagesse. Plus tard le Roi repetera a Mazarin “ qu'il n'avait rien refuse a sa mere, qu'elle avait ete une des plus riches reines de France, ayant a sa disposition plus d'un million de livres de revenus, sans compter les gratifications annuelles extraordinaires ”, ce qui faisait qu'a elle seule elle s'etait trouvee avoir plus a depenser que les trois dernieres veuves ensemble des rois ses predecesseurs. Son palais du Luxembourg, “ qui defie le Louvre ”, attes-terait sa grande fortune ! Mais sa presence dans le royaume etait incompatible avec le maintien de l'ordre public. Et jamais Louis XIII ne voudra revenir sur sa decision et accepter le retour de sa mere en France! En 1637, le Pere Caussin essaiera de le faire changer d'avis, car Marie de Medicis, insupportable partout et a tout le monde, etant allee apres la Flandre, en Angleterre, en Hollande, en Allemagne ou chacun, la premiere reception cordiale faite, n'avait eu que l'idee de la voir s'en aller, tellement elle etait odieuse a tous, viendra echouer pres de Cologne et la, depensant sans compter, tombera dans la gene! “ La voulez-vous laisser mourir de faim? ” dira le Pere Caussin au Roi, mais le Roi manifestera “ l'aversion entiere ” qu'il a a revoir sa mere parce “ qu'elle est' devenue espagnole, dira-t-11, et qu'elle ne travaillerait qu'a brouiller les rois entre eux !” En 1639, les ministres consultes seront egalement d'avis, par ecrit, de ne pas la laisser revenir.
Ce n'etait pas seulement parce qu'elle essaierait de brouiller les rois entre eux que Louis XIII ne se souciait pas de la revoir; c'est aussi parce qu'elle reprendrait certainement ses attaques contre Richelieu et qu'elle n'aurait detesse qu'elle ne l'eut fait chasser du pouvoir! Louis XIII avait tout tente pour lui faire comprendre les raisons de sa confiance dans le cardinal. Il ecrivait A sa mere le 21 juillet : “ Je recognois par beaucoup d'epreuves son affection et sa sincerite, la religieuse obeissance qu'il me rend, le fidele soin qu'il a de ce qui regarde ma personne et le bien de mon Etat. ” Le 23 juil-let, il declarait au Parlement de Paris venu le saluer dans le Louvre : “ Ils disent que M. le cardinal veut chasser la maison royale : cela est faux ! Je me suis bien trouve de ses conseils. Si j'eusse cru ceux que l'on voulait me donner toutes mes affaires seraient ruinees! ” Et fortement il ajoutait : “ Quiconque l'aimera m'aimera et je saurai bien le maintenir! ” Ainsi il affirmait avec eclat et comme en prenant un solennel engagement, qu'il garderait Richelieu au pouvoir envers et contre tous, malgre sa mere, malgre son frere. Cet engagement, il avait dit a Richelieu qu'il le prenait. Il lui ecrivait le 16 juillet : “ Assurez-vous que je vous tiendrai ce que je vous ai promis jusqu'au dernier soupir de ma vie! ” La constance avec laquelle, depuis sept ans, il le soutenait dans toutes les crises etait pour Richelieu le temoignage de la surete des sentiments de Louis XIII a son egard.
Mais, dans l'opinion, malgre toutes ces affirmations repetees, les attaques violentes des ennemis du cardinal dechaines allaient faire prevaloir le sentiment contraire en vertu de cette constatation relevee par un contem-porain que, dans le populaire, “ les pasquils sont recus avec applaudissement, les panegyriques avec degout, et pour froids, impertinents et infames que soient ceux-la, on ne peut se saouler de les voir, de les lire et de les admirer ! ” Beaucoup prefererent croire que c'etait Richelieu qui chassait la mere et le frere, qu'il s'etait rendu maitre d'un roi, devenu grace a lui '< fils denature ”, “ dupe imbecile d'un ministre artificieux ”, etre faible, debile, tenu par une volonte imperieuse le dominant et a laquelle il n'avait ni le courage ni la force de se soustraire, ce qui etait plus dramatique et piquant! Un certain nombre sachant le role veritable que jouait Louis XIII, attaquaient le ministre, de crainte qu'en s'en prenant au souverain, ils ne se fissent inculper de lese-majeste. Lepre-Balain, colla-borateur du Pere Joseph, le constatait. Le Mercure francais le relevait aussi. Hay du Chastellet ecrivait :
“ La coutume est pratiquee de ne medire jamais de son roi ni de lui faire la guerre ouvertement, mais on la fait sous le nom de ses principaux ministres ” et de Mourgues reconnaissait bien que, n'etant pas possible de mettre en cause le souverain dont il fallait faire l'eloge sous peine de n'etre pas suivi, car “ il n'est point aise d'effacer la veneration que ce nom sacro-saint imprime es esprits des hommes ”, il n'y avait qu'a s'en prendre au ministre! Et c'est ainsi que la foule des pamphletaires de bonne foi ou non, s'ameutait contre Richelieu. On repetait que le cardinal sequestrait le Roi, le domestiquait :
Ci-git le Roi notre bon maitre Qui fut vingt ans valet d'un pretre !
Le cardinal cachait tout a Louis XIII qui ne savait rien de ce qui se passait. Il en avait fait son esclave grace a la terreur qu'il lui inspirait. Il le chambrait au point que personne ne pouvait rien lui dire. C'etait Richelieu qui etait le Roi, “ le Roi de son Roi! ”
Louis, reprends ton sceptre et regne par toi-meme Comme tes grands aieux!. .
Et ainsi s'accreditait la legende d'un Louis XIII, jouet craintif d'un ministre autocrate reduisant a sa merci un maitre qui le jalousait et le haissait!
En vain l'entourage et les partisans de Richelieu essayaient de reagir, soutenaient qu'attaquer de cette sorte le cardinal c'etait s'en prendre au Roi lui-meme et par la “ exposer la couronne et l'Etat a la haine et au mepris des sujets! ” On ne les ecoutait pas. Richelieu indigne ecrivait : “ II faut etre prive de sens pour croire que le Roi soit prive de liberte et etre destitue de toute piete envers un si bon prince pour publier des faussetes a ce point criminelles ! ” Si Louis XIII, disaient les partisans du cardinal, avait su autrefois aussi energiquement reprendre son autorite royale au moment de l'execution de Concmi, comment pouvait-on imaginer qu'il endurat maintenant, sans rien dire, de rester aussi lachement le prisonnier d'un autre de ses sujets et ne se revoltat pas? Est-ce que Richelieu n'etait pas perpetuellement loin de son souverain — ainsi a la Rochelle pendant deux mois, sur les Alpes pendant quatre mois, “ ce qui n'etoit pas fort etroitement tenir, pour le cardinal, un prisonnier de telle importance ! ” — et, a ces moments-la, le Roi n'aurait-il pas ete en mesure de secouer le pretendu joug qui lui etait soi-disant impose par Richelieu? Est-ce que Louis XIII voyageant perpetuellement sans son ministre ne voyait pas et n'ecoutait pas librement qui il voulait sans le moindre controle de celui-ci, incapable dans ces conditions de lui cacher quoi que ce soit? Ou etait donc la sequestration ? On disait que le Roi haissait Richelieu ? Mais toute l'armee n'avait-elle pas ete temoin de l'impa-tience avec laquelle le souverain etait venu retrouver le cardinal a la Rochelle, l'avait accueilli a Privas, et des marques publiques de son affection pour lui qu'il lui avait prodiguees ostensiblement? Tous les courtisans ne constataient-ils pas que chaque jour le Roi parlait, ecrivait, donnait des ordres, envoyait des gentilshommes porter ses commandements et que ce n'etait pas Richelieu qui parlait, ecrivait, envoyait ces ordres a sa place? La facon dont le cardinal parlait au Roi devant tout le monde, avec la plus extreme deference, gardant constamment, a l'egard de son souverain, les formes les plus scrupuleuses de soumission, sans un instant d'oubli, sans jamais trahir par le moindre geste le maitre faisant la lecon a son valet, n'etait-elle pas un indice? Et en effet dans les plusieurs centaines de lettres autographes de Louis XIII a Riche-lieu que nous avons conservees, il n'est pas possible de rencontrer le moindre sentiment de cette haine et de cette jalousie que l'on prete si gratuitement au souverain pour son ministre. Tout au contraire, nous l'avons vu souvent, ce que Louis XIII exprime a Richelieu, c'est son “ affec-tion ”, sa “ tendresse ”, sa “ passion ” meme, allant jusqu'a lui dire, comme il le fait dans une lettre datee de Chan-tilly du 16 fevrier 1633 : '< Vous etes le meilleur ami que j'aie au monde!M Perpetuellement l'entourage a confirme au cardinal les impressions veritables qu'exprimait le Roi parlant de lui. C'est des Noyers ecrivant a Richelieu : “ Sa Majeste loue Dieu de tant de graces que Dieu verse sur son regne par votre admirable conduite ! ” C'est Bullion qui mande a Richelieu a propos d'une maladie grave de celui-ci le 29 novembre 1632 : “ Le Roi m'a dit une dou-zaine de fois qu'il ne pourrait survivre si Dieu l'avait tellement afflige de vous retirer, ne se pouvant lasser de dire qu'en toute la chretiente vous etiez sans pareil! ” C'est Bouthillier qui rapporte a Richelieu le 4 decem-bre 1632 ce mot de Louis XIII : “ Que ferais-je si ]e n'avais plus M. le cardinal ! ” On pourrait multiplier les temoignages. La conclusion ne saurait faire de doute.
Pour manifester publiquement, de facon solennelle, aux yeux de tous ses sujets, son entiere confiance et sa royale gratitude envers le cardinal, cette meme annee 1631 ou, tous ses ennemis chasses, exiles, disparus, Richelieu demeurait definitivement seul a la tete du gouvernement du royaume et, apres tant de luttes, enfin, voyait les obstacles interieurs a son action disparaitre pour commen-cer une nouvelle periode de sa vie publique, Louis XIII signait en aout des lettres patentes erigeant en duche-pairie la terre de Richelieu en faveur de son ministre, dignite la plus haute, en dehors des grands offices de la couronne, qu'un roi de France put accorder a un de ses sujets ! Le preambule contenait un magnifique eloge des grandes actions du cardinal, de fa valeur, de sa fidelite, Le Roi voulait que la posterite la plus reculee connut les services incomparables qu'il avait rendus a la France et ne put ignorer les sentiments d'admiration que lui-meme, le souverain, en eprouvait “ par ces marques qui en demeureraient perpetuellement a ceux de sa maison! ” C'etait le digne couronnement de tout ce qu'avait fait et tente Louis XIII pour affirmer aux yeux de tous, presents et a venir, a quel degre il reconnaissait et savait estimer a sa valeur le grand ministre que “ la Provi-dence lui avait donne pour le servir!... ”
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Регентша




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Стоит ли переводить этот материал на русский язык? У меня есть такая возможность.

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ссылка на сообщение  Отправлено: 19.08.10 01:43. Заголовок: Anne d’Autriche пише..


Anne d’Autriche пишет:

 цитата:
Стоит ли переводить этот материал на русский язык? У меня есть такая возможность.



А как Вы сами считаете? Было бы очень неплохо! Баттифоля нет на русском.

<\/u><\/a>
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Регентша




Сообщение: 9
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Тогда попробую.

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Лучший друг кардинала




Сообщение: 897
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ссылка на сообщение  Отправлено: 20.08.10 00:19. Заголовок: Anne d’Autriche пише..


Anne d’Autriche пишет:

 цитата:
Стоит ли переводить этот материал на русский язык?

Думаю, стоит. Лично я буду вам весьма признательна.

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Регентша




Сообщение: 10
Зарегистрирован: 18.08.10
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Мария Терезия, процесс пошел:)

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Сообщение: 1662
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ссылка на сообщение  Отправлено: 20.08.10 23:26. Заголовок: Anne d’Autriche, спа..


Anne d’Autriche, спасибо.
Ждем с нетерпением.

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